Alfred Kubin

L'oeuvre d'Alfred Kubin (1877-1959), dessinateur autrichien, fut sans doute à l'image de sa vie, à la fois tourmentée et déchirante, empreinte de doute et sombrant dans une fantasmogorie bien particulière. Né à la frontière de l'actuelle République tchèque, Alfred Kubin peu, sous bien des aspects, résumer à lui seul les tourments de l'Europe centrale au XX° siècle. A l'image de sa vie, son oeuvre peut sembler morbide et tourmentée. Son univers est peuplé de monstres, de personnages morts, de masques et de peurs. Comme une intime introspection et une vision désenchantée du monde.
Fils d’un officier, sa mère décède lorqu'il n'a que dix ans. Il grandit dans un univers familial violent, et semble dès l'enfance en retrait. Adolescent tourmenté, après une première tentative de suicide, il s’engage dans l’armée puis, victime de délire, il finit par être réformé. C’est à cette époque qu’il s’inscrit dans une académie de dessin à Munich.
Kubin flirte donc avec la folie et l'inconscient dès son enfance. Mais à partir de 1900, dans une Vienne marqué par des figures comme Freud, Klimt ou Schiele, Alfred Kubin commence à créé des dessins de plus en plus dérangeants, quasi crépusculaires. Pris d'une véritable frénésie créatrice, Kubin, entre 1904 et 1905, propose des centaines de dessins, représentant ses pulsions et bien souvent son instinct de mort. Ici, il utilise la plume, l'encre de Chine et un papier de récupération. A la fois expressionniste et fantastique, Kubin fait assurément partie d'une tradition d'artistes et d'une longue lignée, de Brueghel à Goya, de Jérôme Bosch à Arnold Böcklin. Impoosible aussi de ne pas évoquer Franz Kafka, originaire lui aussi de Bohême. Les deux hommes se rencontreront à l’automne 1911. Kubin sera également contacté pour réaliser les illustrations du roman fantastique de Gustav Meyrink, Le Golem, et dont l’action se passe dans le ghetto de Prague.
L'oeuvre de Alfred Kubin s'impose avec un force presque une évidence, comme hors du temps et pourtant si précieuse.

Voir Alfred Kubin. Souvenirs d’un pays à moitié oublié, textes de Peter Assmann, Christophe David, Dominique Gagneux, Fabrice Hergott, Annegret Hoberg, Gérard-Georges Lemaire, Paris-Musées, 2007.
Voir également : http://www.alfredkubin.at/