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Le Petit Paquis
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11 mai 2009

Alexandre Paulin (1792-1859), précurseur de l'édition illustrée à bon marché (2)

Alexandre Paulin et Jacques-Julien Dubochet

Il est vrai que la carrière d'éditeur d'Alexandre Paulin est loin d'être parallèle à celle qu'il peut mené dans le journalisme et dans la politique. En reprenant la suite des affaires de Sautelet, Paulin doit d'abord s'atteler à une situation financière bien mal en point. Il doit surtout rétablir les compte de la librairie. En septembre 1830, Paulin s'établit 33, rue de Seine et s'associe avec Jacques-Julien Dubochet. Les deux associés se connaissent bien. Né à Montreux en 1798, Jacques-Julien Dubochet était le cousin et l'éditeur de Rodolphe Töpffer. Arrivé à Paris, en 1820, en même temps que La Fayette et Benjamin Constant, Dubochet se mêle tout d'abord aux luttes politiques, puis fonde la Société helvétique de Bienfaisance, avant de devenir un membre actif de la Charbonnerie d'Alsace. Très instruit, possédant une fortune conséquente, il participe, grâce à son oncle Vincent Dubochet, au financement du National. Bientôt il devient l'un des dirigeants principaux du journal. C'est là, à la rédaction du National, qu'il rencontre Alexandre Paulin.
L'association entre Paulin et Dubochet n'est pas seulement commerciale ; une solide amitié unit les deux hommes. Les deux libraires partageront les mêmes points de vue sur l'édition française, et en particulier sur les formes commerciales qu'elle doit s'approprier.

Cette même année 1830, en novembre, Paulin demande au gouvernement un prêt sur nantissement, qu'il obtient. Il peut ainsi continuer la publication des éditions complètes des Mémoires de Saint-Simon, commencée par Sautelet. Pourtant la situation financière de Paulin n'est pas très brillante. Ainsi, en septembre 1830, Paulin se porte créancier, dans la faillite Charpentier, pour 400 francs. Chaque fois qu'il le peut, le libraire tente de recouvrer les créances douteuses. Durant deux années, il s'emploie surtout à gérer au mieux le fonds laissé par Sautelet, sans y investir outre mesure. Avec Dubochet, le libraire de la rue de Seine publie très peu jusqu'au début de l'année 1833. Paulin ne délaisse pourtant pas ses opinions politiques, et publie ainsi en mars 1833, La République, de L. Lhéritier.

Mais, le libraire comprend que le marché du livre est, durant ces premières années du régime de Juillet, en pleine transformation. Observateur attentif, il s'intéresse surtout aux nouvelles formes de livres, capables d'atteindre de nouveaux publics. C'est peut-être le grand mérite de Dubochet et de Paulin d'avoir suivi cette voie, qui au départ n'était qu'un pressentiment. Issus de la librairie, mais très proches du journalisme, Paulin, comme Dubochet, comprennent rapidement que les séparations entre le livre et la presse sont de moins en moins établies. D'autant qu'ils sont des éditeurs d'ouvrages importants, souvent luxueux, dépassant cinq voire dix volumes. Ils cherchent alors à concilier l'influence du périodique sur un large public à une production d'ouvrages de luxe.

nodierCette nouvelle voie avait été tracée par le lancement de l'Histoire du roi de Bohème et de ses sept châteaux, écrit par Charles Nodier, illustré par Tony Johannot, et édité par Delangle. Même si cette publication entraîna Delangle à la faillite, le principe du livre à grand spectacle, en livraisons illustrées, était né. Paulin et Dubochet vont investir leurs efforts dans ce sens. Le 15 mai 1834, Alexandre Paulin et Jacques-Julien Dubochet créent, tout d'abord, une société avec Achille Ricourt, directeur du journal L'Artiste, pour "la publication d'une édition pittoresque des classiques français". Cette société sera établie 16, rue du Croissant. A l'exemple du journaliste-éditeur Philipon et du Charivari, Paulin et Dubochet ont parfaitement compris l'importance du journal et de la feuille périodique, pour la diffusion des publications en volume. C'est dans cette optique qu'ils s'associent avec Auguste Ricourt, homme influent dans la presse illustrée en train de naître. Même si Ricourt ne semble pas avoir participé au travail éditorial, la société commence dès sa création à publier des ouvrages illustrés en livraisons.
ricourtartisteA la fin de l'année 1834, la société éditrice annonce l'Histoire parlementaire de la Révolution française de Philippe Buchez et de Prosper-Charles Roux, en 15 à 20 volumes, de 30 à 40 livraisons à 20 centimes. A la même époque, les éditeurs commencent un Atlas historique des guerres de la révolution, toujours en livraisons. Même si ces publications ne connaissent pas le succès escompté, elles seront néanmoins très remarquées. De plus, commencer ce type d'ouvrages en livraison, par l'histoire n'est pas le fait du hasard. Ces ouvrages ne visent pas le public traditionnel des cabinets de lecture, mais bel et bien les lecteurs de journaux. Le roman est encore contraint au petit format, alors que l'histoire, genre noble, est un domaine où l'innovation est possible et peut s'afficher en grand format.

GilBlas4En 1835, des ouvrages en apparence plus faciles seront proposés. En février 1835, Paulin propose l'Histoire de Gil Blas de Santillane de Lesage, composé de 600 gravures, réalisées par Gigoux. 15 000 exemplaires seront vendus au cours de l'année. En avril 1835, Paulin publie un ouvrage d'actualité, l'Almanach électoral et parlementaire pour 1835, tandis que l'ouvrage de Buchez et Roux continue d'être publié en livraisons. En juin, Paulin et Dubochet publient Une année suisse, en 15 livraisons, luxueusement illustré. En juillet, Paulin poursuit dans le domaine historique, en publiant les Etudes sur l'histoire des institutions de Louis Vindot. A la fin de l'année, la société propose, pour les fêtes, les Oeuvres de Molière, toujours en livraisons illustrées. Ainsi, l'éditeur Paulin, associé à Dubochet et Ricourt, s'oriente vers deux voies éditoriales distinctes : d'un côté, il annonce de riches publications pittoresques, d'un autre côté il poursuit le travail commencé par Sautelet, en éditant, de façon régulière, des ouvrages d'histoire et de géographie, voire de politique. Pourtant, les ouvrages en livraisons s'écoulent mal et surtout lentement. Alexandre Paulin, en novembre 1835, rejoint alors la société des éditeurs unis, avec Victor Bohain et Emile de Girardin. Il peut ainsi vendre avec prime, le Gil Blas, les Oeuvres de Molière, et les vieux volumes de Paul-Louis Courrier.

Les grandes entreprises en livraisons

L'année suivante, en 1836, Paulin et Dubochet poursuivent dans les deux directions qu'ils avaient choisies. Ils présentent à leur catalogue de nombreux ouvrages historiques. En janvier 1836, par exemple, Alexandre Paulin publie Le Chute de l'Empire, drame anonyme. Cette même année, il poursuit la publication de la Géographie générale comparée de Karl Ritte, commencée en 1835. Mais Achille Ricourt semble se lassé des mauvais résultats de la société. Le 14 avril 1836, la société, conclue entre Paulin et Dubochet, d'un côté, et Ricourt, d'un autre côté, est dissoute. Les deux éditeurs ne tardent pourtant pas à trouver un autre associé, en la personne de l'éditeur Charles Hingray, ami de longue date. Le 22 avril 1836, donquichottedubochetla société J.J. Dubochet et Cie est créée. Grâce à cette nouvelle association, Dubochet peut lancer un Don Quichotte, illustré de 800 dessins effectués par Tony Johannot. En mai 1836, Paulin, pour sa part, s'associe à Louis Hachette, pour diffuser l'Histoire des progrès de la civilisation en Europe, d'Hippolyte Roux-Ferrand. Dans le même temps, l'éditeur publie, seul, l'Essai d'histoire universelle d'Auguste Boslard. En juin, Alexandre Paulin se lance dans la publication de livres scolaire (peut-être sous l'influence de Louis Hachette), et propose un ouvrage de Madame Necker de Saussure, intitulé L'Education progressive. En décembre, Jacques-Julien Dubochet annonce, pour sa part, Les Evangiles, toujours en livraisons illustrées, au prix de 35 centimes l'unité. Ainsi, les deux éditeurs ne semblent pas modifier leur politique éditoriale, annonçant, coup sur coup, soit des ouvrages à caractère scientifique ou polémiste, soit des publications "de luxe à bon marché". donquichottedubo2
Pourtant, les publications en livraisons illustrées commencent, dès le milieu des années 1836, à connaître une concurrence acharnée, et se vendent de plus en plus mal. Le marché est bien vite saturé. C'est cependant à cette date, que Pierre-Jules Hetzel, abandonnant ses études de droits à Strasbourg, entre, comme commis, chez Paulin.

C'est chez Paulin, rue de Seine, que le jeune Hetzel fera, en effet, tout son apprentissage. Très tôt, le jeune homme semble avoir fait l'acquisition d'un stock de livres religieux et, s'associe à son ancien patron, dès 1837. En 1838, Hetzel met en vente un Livre d'heures, destiné à un public catholique aisé. Peu à peu, le jeune homme s'affirme comme un véritable libraire-éditeur, conforme au modèle de l'époque. Pourtant, Hetzel sera toujours très proche de Paulin, et de son entourage, celui notamment du National. Pour de nombreuses publications, on retrouvera Hetzel aux côtés de Dubochet, de Paulin ou de Furne.

La fin des années 1830 représente toutefois une période morose pour les éditions Paulin. En 1837 et 1838, Alexandre Paulin connaît de sérieuses difficultés financières, et de graves problèmes de diffusion. Faute d'argent, l'éditeur doit ainsi démissionner de la société pour la publication des classiques français, de son ami Jacques-Julien Dubochet. L'éditeur de la rue de Seine poursuit cependant la publication d'ouvrages pour la jeunesse. En janvier 1837, il publie Le Livre des enfants d'Elisa Voiart et Amable Tastu. Quelques mois plus tard, il lance le Cours complet de géographie d'H. Chauchard et d'A. Muntz, en livraisons illustrées à 25 centimes l'unité. De son côté, Dubochet continue la publication des oeuvres de Töpffer. Mais la période est peu propice à de telles publications, et Paulin, comme Dubochet ont de plus en plus de difficultés à se maintenir à flot. Jacques-Julien Dubochet choisit de se retirer de l'édition, n'investissant que dans de rares publications. Paulin, pour sa part, tente d'écouler son fonds, tant bien que mal. Mais, l'éditeur Alexandre Paulin ne s'avoue pas vaincu, et en 1838, il poursuit la publication d'ouvrages classiques, littéraires et politiques.

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