William Wallace Denslow et Boucle d'or

William Wallace Denslow, illustrateur américain (né le 5 mai 1856 à Philadelphie et mort en 1915) est surtout connu pour ses talents de caricaturistes et surtout pour ses illustrations du Magicien d'Oz. Après sa rencontre avec L. Frank Baum en 1880, Denslow illustra d'abord The Wonderful Wizard of Oz, première d'une longue collaboration (malgrè, semble-t-il, une brouille entre les deux hommes par la suite). Denslow est également l'éditeur de dessins politiques et d'affiches.

Mais au début du XX° siècle, et en particulier à partir de 1903, Denslow a proposé aussi chez G.W. Dillingham Company, Publishers (New York) une série d'ouvrages pour enfants bon marché. C'est ce qui nous intéresse ici. Denslow a ainsi publié une série de douze ouvrages, tous au même format, alliant peu de couleur (rouge, bleu), et vendus à 25 cents chacun. Dans cette série, l'illustrateur américain revisite et adapte les contes de fées classiques, version américaine, des 3 petits cochons au Chaperon rouge. Il propose aussi des volumes plus didactiques, comme un ABC ou une découverte du zoo. Mais dans ces ouvrages, Denslow a surtout voulu ne pas effrayé les enfants, éliminant tout les éléments qui auraient pu faire peur ou rebuter les jeunes lecteurs de la lecture. De plus, il a donné au conte une forme plus actuelle, en tentant surtout de mettre les personnages au goût du jour.

Ceci est particulièrement vrai dans la version de Boucle d'Or et les Trois Ours (Three Bears, notons déjà que Boucle d'Or a disparu), revisitée par Denslow.
L'illustrateur introduit d'abord les Trois Ours, en le montrant sous des traits ridicules, presque chétifs, animaux de cirque sans grand intérêt. On croirait voir ici des personnages déguisés avec costumes et masques. Ceci est renforcé, par l'air joyeux des ours,  la danse du plus jeune, ainsi que la canne que porte celui que l'on peut considéré comme Papa-ours.

Cette manière de ne pas effrayer les enfants est renforcée par la présence d'une petite fille (Boucle d'or) aux traits très actuels, sorte d'Alice un peu gauche, espèce de poupée naïve, menant la danse que suivent les animaux.

Et par la présence de l'adulte, ici une grand-mère joyeuse, dont l'entrain empli toute la maison. Les trois ours deviennent alors des amis de jeu, des aides ou des domestiques plutôt que des animaux sauvages.

On notera enfin la disposition du texte sur les pages, tout à fait significative pour l'époque, soit en haut de la page, soit faisant partie de l'action centrale dans la scène décrite.

Cette mise en scène d'un conte classique est tout à fait exceptionnelle, dans l'oeuvre de Denslow. Elle est par ailleurs très révélatrice de la conception des livres pour enfants en ce début du XX° siècle : mettre à la portée de tous (enfin presque) des ouvrages sans doute déjà difficiles d'accès. Pour que cet accès soit facilité, les illustrateurs (et particulièrement les anglo-saxons) réduisent le texte ancien, le détournent en poussant de manière peut-être extrême l'aspect contemporain (voir ici la luge, les habits, la maison) et surtout le mettent en page en tentant d'accentuer le mouvement et le sens de la lecture. Ici avec Boucle d'or et les 3 Ours, Denslow nous montre un modèle du genre, qui sera repris ensuite dans de nombreux pays européens, comme par exemple en France avec les premiers albums du Père Castor. Nous sommes ici, par l'exemple, dans le début de démocratisation du livre de jeunesse, qui ne cessera plus depuis.